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L'arsenal poétique suite
7 mai 2013

Achille. Penthésilée

Achille. Penthésilée    
                  
Quand de son glaive Achille eut transpercé le sein de Penthésilée,
quand trois fois dans la plaie il eut tourné comme il convient la lame,
il découvrit que la reine des Amazones était vraiment belle.
Il l’allongea doucement sur le sable. Son lourd casque enlevé, il défit ses cheveux,
et lui joignit tendrement les mains sur la poitrine.
Il n’eut pas le courage de lui fermer les yeux,
mais lui lança l’adieu, un dernier regard enfin, et soudain submergé
d’une force inconnue, il se mit à pleurer.
Jamais ni lui ni aucun autre héros de cette longue guerre n’avait ainsi pleuré,
d’une voix fascinante et discrète, qui traînait sans dessein, se retirant parfois entre peine et remord, une voix dont la chute était neuve
aux enfants de Thétis. Les voyelles allongées
de ses larmes tombaient comme des feuilles sur le cou,
sur les seins, les genoux de Penthésilée, recouvrant
l’allongé de son corps refroidi. Elle, enfin,
s’apprêtait pour des chasses éternelles dans nos forêts sans fond.
Ses yeux toujours ouverts fixaient au loin Achille
vainqueur, d’une haine immuable, azurée, immobile.

Zbigniew Herbert

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